La quête du chêne !
Acheteur de bois, c’est un métier. Un métier solitaire. De parcelles en sous-bois, les sept acheteurs de Charlois parcourent les forêts de France en quête des plus beaux chênes qui donneront le meilleur merrain pour fabriquer des fûts de chêne pour les vins et spiritueux. L’occasion de faire un petit tour en forêt.
Le soleil perce à peine la brume épaisse de ce matin de janvier. Les arbres sont recouverts de givre, la forêt baigne dans une lumière bleutée. « Je n’ai jamais vu cette lumière ailleurs, c’est typique de la forêt. »
Pour acheter les arbres, il faut les connaître, il faut connaître la forêt, les sols et les sous-sols, l’exposition à la lumière. L’histoire aussi, celle de la France qui fait que les forêts sont ce qu’elles sont aujourd’hui. Dans le groupe, sept acheteurs aguerris arpentent tout au long de l’année forêts et salles des ventes.
À la croisée des chemins… forestiers
« Pose ton carnet et ton crayon. Profite, regarde, sens, touche… Tu écriras après. » Le ton est donné, du Boris dans le texte. À pied, en voiture, on parcourt une partie des chemins de cette forêt de prestige marquée du sceau Colbert. Des chênes de tous âges peuplent les quelque 10 500 hectares de forêt.
Des chênes centenaires, bicentenaires, tricentenaires, des chênes en devenir marqués de blanc qui sont le merrain de demain.
« Nous ne faisons que récolter le fruit du travail des sylviculteurs qui nous ont précédés en forêt il y a plus de 100 ans. Et ce que la main de l’homme fait aujourd’hui servira aux générations de demain. Nous ne faisons que passer et transmettre un savoir-faire. Il faut savoir rester humble face à la nature, à la forêt. »
La forêt qui cache l’arbre
Choisir un arbre, c’est le lire, lire le fil du bois à travers l’écorce, estimer sa hauteur sous houppier, estimer la qualité du grain, le nombre de mètres cubes de merrain et, en conséquence, le nombre de douelles et de barriques qui en découleront. L’oeil, la main, le toucher et l’odorat, la bombe de peinture
pour marquer du sceau Charlois l’arbre estimé font partie des instruments utilisés.
Sur pied ou en bord de route
Patrick, Éric, Boris, Geoffrey, Pierre, Louis et Nicolas, les acheteurs, ont le souci permanent de sélectionner des chênes qui correspondent à ce que recherche le groupe, aux savoir-faire de nos merrandiers, de nos tonneliers, et qui vont satisfaire nos clients. Le souci de la matière aussi, rare et précieuse.
« Les parcelles que nous estimons ont été sélectionnées au préalable par l’ONF ou par le gestionnaire de la forêt pour les forêts privées, nous estimons chaque arbre d’une parcelle, pied par pied, ceux qui vont offrir le meilleur rendement au mètre cube, produire le plus de bois qualité merrain. La
valorisation commence dès l’estimation, sur pied ou en bord de route. »
Estimés, adjugés, vendus
Les arbres estimés sont ensuite vendus aux enchères lors de ventes organisées tout au long de l’année. « On sait à l’avance les parcelles sur lesquelles nous allons enchérir, m‘explique Patrick. On sait ce qu’elles valent et jusqu’où on peut aller. Il y a de la concurrence. Parfois, c’est un coup de poker. On peut louper une coupe qu’on voulait absolument et rafler la mise sur une autre alors qu’on ne s’y attendait pas. C’est le jeu. Dans le milieu, on se connaît tous. » Calme et patience sont les maîtres-mots, en plus de l’expérience. « Il y a des ventes plus importantes que d’autres dans l’année, celle de Nevers (qui se tient à Clamecy) pour la Nièvre et l’Yonne et celle de Cérilly pour l’Allier. Ce sont les plus beaux chênes qui y sont adjugés, ceux des Bertranges et de Tronçais ». Lors de la dernière vente des bois de Nevers, en octobre 2023, Charlois s’est adjugé quelque 8.000 m3 de chênes sur pied.